« QUAND L’AUTRE EST LE MÊME… MAIS JAMAIS TOUT À FAIT » : UNE LECTURE POSTCOLONIALE DU COMMERCE ÉQUITABLE

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Mots-clés:

Commerce équitable, approche critique, postcolonial, ambivalence

Résumé

Adoptant une approche postcoloniale, cette recherche s’inscrit dans le cadre des études critiques en
management (Critical Management Studies, CMS). Plus précisément, elle aspire à comprendre l’ambivalence du Commerce Equitable (CE). D’un côté, il s’est construit en opposition à la situation coloniale et revendique une plus grande autonomie des pays du Sud à l’égard du Nord. Mais de l’autre
côté, le commerce équitable participe à la perpétuation de la domination coloniale. Il produit des dispositifs de contrôle et de disciplinarisation, portés notamment par le management et le marketing.
Deux mouvements soutiennent cette domination. Le premier est la construction de l’Altérité.
L’ambivalence du CE s’incarne alors dans l’image stéréotypée de l’Autre, diffusée par la mythologie
du « petit producteur ». Celui-ci est idéalisé et garant de valeurs traditionnelles ; il témoigne qu’un
autre commerce est possible. Mais, en contrepoint, il est essentialisé dans une position d’infériorité
: il est petit, marginalisé et faible. Cette image justifie les relations paternalistes.
Posé comme différent, l’Autre est alors incité à ressembler aux canons occidentaux. L’idéologie du
développement légitime ce mimétisme. Elle aussi est ambivalente. D’une part, elle promet une plus
grande autonomie et reconnaissance du Sud. Mais d’autre, si le « petit producteur » parvient à se
rapprocher du modèle occidental, il est toujours considéré comme Autre : « il est le même… mais
jamais tout à fait ». Le revers de ce mimétisme est un plus grand contrôle du Nord sur le Sud.
Dès lors, j’étudie l’incarnation de ces incitations dans trois situations. La première est la dissociation entre les lieux de production (au Sud) et de consommation (au Nord). La deuxième est l’incitation à la rationalisation de la production. Enfin, la troisième est le développement de la certification des organisations de producteurs.
Je conclue cette recherche en soulignant le rôle joué par cette ambivalence dans la dynamique
capitaliste. Je présente alors le CE comme un gisement d’authenticité susceptible de répondre aux
critiques sociales et artistes dont le capitalisme est l’objet.

Publiée

2010-07-01

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