Editorial - La science ouverte

Authors

  • Claudio VITARI Aix Marseille Univ, CERGAM, FEG, Aix-en-Provence, France
  • Aurélie LECLERCQ-VANDELANNOITTE CNRS, Centre National de la Recherche Scientifique LEM (Lille Economie Management, UMR CNRS 9221), IESEG School of Management, Université de Lille, France

DOI:

https://doi.org/10.3917/sim.241.0003

Abstract

Initié il y a plus de 30 ans, le mouvement international pour la science ouverte a connu un engouement inédit depuis que le Web l’a rendu possible à une échelle globale et à un coût raisonnable (CNRS, 2019). Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche français définit la science ouverte comme « la diffusion sans entrave des résultats, des méthodes et des produits de la recherche scientifique » (Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 2023). Une revue de la littérature internationale donne une définition plus large qui dépasse la seule notion de diffusion : « Open Science is the transparent and accessible knowledge that is shared and developed through collaborative networks/La science ouverte est la connaissance transparente et accessible qui est partagée et développée via des réseaux collaboratifs » (Vicente-Saez & Martinez-Fuentes, 2018).

Les politiques nationales et européennes insistent sur la généralisation de la science ouverte (Burgelman et al., 2019). En France, le deuxième plan pour la science ouverte (2021-2024) s’axe autour de (1) la généralisation de l’accès ouvert aux publications ; (2) la structuration, le partage et l’ouverture des données de recherche ; (3) l’ouverture et la promotion des codes sources issus de la recherche ; (4) la transformation des pratiques pour faire de la science ouverte par défaut (Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 2021). Le gouvernement français s’est donné pour objectif un taux d’accès ouvert de 100 % des publications françaises d’ici 2030. Le gouvernement entend par « publications françaises » les publications dont l’un des auteurs au moins est affilié à un établissement de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Les derniers chiffres disponibles indiquent qu’en 2023 le taux d’accès ouvert des publications scientifiques françaises est de 65 % (Jeangirard, 2024). La Commission européenne a inclus la science ouverte parmi ses priorités, et, selon elle, la science ouverte doit être la méthode de travail sous-jacente à tous les programmes de recherche financés par l’Union européenne et, a minima, toutes les publications issues de financements européens doivent être accessibles librement. Au-delà des frontières de l’Union européenne, le virage vers la science ouverte est promu dans plusieurs autres pays francophones : en Suisse (SEFRI, 2024), au Canada (Gouvernement du Canada, 2022) et en Afrique (Science ouverte au Sud, 2022).

Toutes disciplines confondues, le taux de revues académiques françaises diffusant leurs articles en archives ouvertes était de 44 % en 2020 (Bracco et al., 2022), ce qui reste donc inférieur au taux d’accès ouvert des publications françaises (62 % sur la même année de référence). Cette différence signifie que les revues académiques françaises n’ont pas encore largement pris le pas vers la science ouverte. Cette résistance est encore plus forte sur l’épineuse question de l’ouverture des données de la recherche, qui rencontre de nombreux obstacles (Berkowitz & Delacour, 2022). Les infrastructures de recherche (ex. OpenEdition) – généralement des modèles d’édition de la science ouverte – jouent un rôle crucial, mais elles ne sont, à l’évidence, pas suffisantes (Open Science European Conference, 2022).

La diffusion d’informations sans entraves et le développement de réseaux collaboratifs sont des thèmes récurrents des recherches en systèmes d’information et ainsi des articles publiés dans SIM. Concernant la diffusion d’information, une publication récente porte par exemple sur les stratégies open-source et leurs modèles économiques (Jullien & Viseur, 2021). Quant aux réseaux collaboratifs, les activités de mise en commun supportées par les chaînes de blocs suggèrent une nouvelle voie de collaboration dans le domaine financier (Malafosse et al., 2022). Un virage vers la science ouverte nous donnerait l’opportunité de transformer nos processus de publication, de manière à améliorer notre identité, et soutenir notre proposition de valeur (Wessel et al., 2021).

L’ouverture à la science ouverte des revues est ainsi susceptible de créer de nouveaux « biens communs de la connaissance » (Jullien, 2021), comme les données sur lesquelles les publications se fondent (Burgelman et al., 2019). Si les communs ont d’abord été identifiés dans des structures sociales souvent localisées, parfois appuyées sur des ressources naturelles – pêcheries, forêts, réseaux d’irrigation, marais entretenus collectivement – le concept de communs a été étendu aux biens non fondés sur des ressources naturelles, et/ou non circonscrits à un territoire spécifique, comme certains communs sociaux. Les biens communs de la connaissance s’inscrivent dans cette extension du concept, n’étant ni fondés sur des ressources naturelles, ni cantonnés à un territoire circonscrit (Hess & Ostrom, 2007; Vohland et al., 2021). Ils représentent des structures sociales et des activités collectives pour créer, maintenir et offrir des savoirs en partage. Cependant, ces biens communs de la connaissance restent fragiles (C. Noûs-Aussi, 2023).

La science ouverte ne favorise pas seulement une approche transversale du partage des résultats, des données, de codes, méthodes et protocoles (CNRS, 2019). Elle est avant tout une nouvelle philosophie, une nouvelle façon de faire et de penser la science. C’est dans cette logique que la revue SIM porte aujourd’hui un intérêt majeur à la science ouverte.

Author Biography

Aurélie LECLERCQ-VANDELANNOITTE, CNRS, Centre National de la Recherche Scientifique LEM (Lille Economie Management, UMR CNRS 9221), IESEG School of Management, Université de Lille, France

Aurélie LECLERCQ-VANDELANNOITTE, docteure en sciences de gestion de l’Université Paris-Dauphine, est chercheuse au CNRS (Lille Economie & Management, LEM, UMR CNRS 9221) et professeur de Management. Ses recherches se situent à la croisée du management des systèmes d’information et de la théorie des organisations. Elles portent notamment sur les nouvelles formes d’organisation et pratiques de travail (travail à distance, nomadisme, télétravail, coworking) qui se développent avec les technologies de l’information et de la communication, et mobilisent à cette fin les pensées des philosophes Michel Foucault et Gilles Deleuze. Sa thèse a reçu trois prix nationaux. Ses travaux ont fait l’objet de publications nationales et internationales dans les champs du management des systèmes d’information (Journal of the Association for Information Systems, Information Systems Journal, Information and Organization, European Journal of Information Systems, Database for Advances in Information Systems, Information Technology and People, Systèmes d’Information et Management) et de la théorie des organisations (Organization Studies, Organization, Journal of Business Ethics, Journal of Management Inquiry, European Management Journal, International Journal of Management Reviews, Journal of Organizational Change Management, etc.).

Published

2024-02-20

How to Cite

Claudio VITARI, & Aurélie LECLERCQ-VANDELANNOITTE. (2024). Editorial - La science ouverte. Systèmes d’information Et Management, 29(01), 0003. https://doi.org/10.3917/sim.241.0003

Issue

Section

Articles