La coopération antiterroriste transatlantique : succès techniques et interrogations politiques

Résumé

De part et d’autre de l’Atlantique, les responsables politiques, les médias et les opinions publiques portent sur la coopération bilatérale franco-américaine de lutte contre le terrorisme un regard contrasté. Pour les professionnels de la sécurité, l’équation est cependant moins compliquée qu’il n’y paraît. Elle repose en effet sur la distinction essentielle entre « lutte anti-terroriste » et « contre-terrorisme », peu perceptible pour le grand public et les médias. La lutte anti-terroriste suppose que l’acte terroriste a été commis ou que les éléments matériels et humains nécessaires à sa perpétration sont réunis. Elle est donc du ressort de la police et de la justice. Le contre-terrorisme est une notion plus vaste qui recouvre l’ensemble des mesures visant à ce que le passage à l’action violente ne se matérialise pas. Il repose donc sur la capacité de décèlement précoce des services de renseignement et sur leur capacité de proposer au politique des contre-mesures qui peuvent relever du domaine diplomatique, économique, social, culturel ou politique. En ce qui concerne la lutte anti-terroriste, la coopération franco-américaine fonctionne bien, depuis bien avant le 11 septembre 2001. Le problème est tout autre en matière de contre-terrorisme. Une coopération en la matière ne repose pas seulement sur une synergie des capacités : elle suppose un consensus politique. Or, dans ce domaine, le divorce reste profond. Depuis les années Reagan, les services américains ont partout dans le monde joué la carte des mouvements islamistes sunnites pour contrer les influences soviétique et iranienne. La France a toujours été en profond désaccord avec cette stratégie. Après le 11 septembre, Washington a effectué un virage à 180˚, passant d’un extrême à l’autre. La « guerre globale contre la terreur » n’a pas permis de développer une logique cohérente de contre-terrorisme des deux côtés de l’Atlantique.