INFORMATION DE LA PERSONNE PLACÉE EN SOINS PSYCHIATRIQUES SOUS CONTRAINTE ET LÉGALITÉ DE LA DÉCISION QUAND LE JUGE JUDICIAIRE JOUE AU JUGE ADMINISTRATIF, C’EST LE PATIENT QUI PERD
Mots-clés:
Soins psychiatriques sous contrainte, Obligation d’information, Juge judiciaire, Droits des patientsRésumé
La question des droits des patients placés en hospitalisation sous contrainte a toujours fait l’objet d’une attention particulière de la part du juge qu’il soit administratif ou judiciaire. Par le jeu du dualisme juridictionnel, tous deux étaient compétents, mais depuis la réforme du 5 juillet 2011, le contentieux relatif aux soins psychiatriques sans consentement relève exclusivement de la compétence des juridictions judiciaires. L’attribution de compétence aurait ainsi dû permettre aux magistrats de cet ordre juridictionnel de promouvoir une jurisprudence davantage protectrice des droits des patients, mais ceux-ci ont préféré s’en tenir à un mode d’appréciation qui était celui de leurs homologues administratifs. L’arrêt rendu le 15 janvier 2015 par la Cour de cassation en est une illustration. Dans cette décision, le juge judiciaire se prononce sur l’incidence du non-respect de l’obligation d’information du patient faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement prévue à l’article L. 3211-3 du Code n 34 UNE SÉRIE DU JOURNAL DE MÉDECINE LÉGALE / A SERIES OF THE JOURNAL OF FORENSIC MEDICINE • N° 3-4, VOL. 59 S ’il est un domaine où la jurisprudence est relativement prolixe, c’est bien celui des soins psychiatriques. La témérité des juges a d’ailleurs conduit le législateur à revenir sur les modalités de prise en charge en santé mentale par deux lois adoptées en 2011 et 2013. Outre une refonte complète du système de soins en psychiatrie, la loi du 5 juillet 2011 (1) a également permis une innovation importante en unifiant le contentieux des soins psychiatriques sans consentement au profit de l’ordre judiciaire, ce qui mit fin au dualisme juridictionnel en vertu duquel le justiciable devait faire face à une subtile répartition des compétences entre juridictions administratives et judiciaires (2). L’article L. 3216-1 (1) Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge », JO 6 juillet 2011, p. 11705. (2) Sur le dualisme juridictionnel et l’unification du contentieux relatif aux hospitalisations psychiatriques sans consentement, voir notamment J.-Ph. Vauthier, « Soins psychiatriques sans consentement et compétence du Code de la santé publique, créé à cette occasion et entré en vigueur le 1er janvier 2013 (3), prévoit de la sorte à son alinéa 1er que « la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres [relatifs aux admissions en soins psychiatriques sur demande juridictionnelle », in F. Vialla (dir.), Les grandes décisions du droit médical, Paris, LGDJ, Lextenso éditions, coll. « Les grandes décisions », 2014, 2e éd., p. 529 ; X. Cabannes, « L’unification du contentieux des décisions d’hospitalisation d’office. Rapide retour sur un dualisme juridictionnel », in X. Cabannes et M. Benillouche (dir.), Hospitalisations sans consentement, Paris, PUF, coll. « Centre de droit privé et de sciences criminelles d’Amiens », 2013, p. 129 ; A. Pena, « Internement psychiatrique, liberté individuelle et dualisme juridictionnel : la nouvelle donne », RFDA 2011, p. 951 ; C. Castaing, « La volonté des personnes admises en soins psychiatriques sans consentement. Quel droit pour quel juge ? », AJDA 2013, p. 153 ; A. Farinetti, « L’unification du contentieux des soins psychiatriques sans consentement par la loi du 5 juillet 2011 », RDSS 2012, p. 111 ; M.-O. Diemer, « La réforme de l’hospitalisation sans consentement et le contrôle des arrêtés préfectoraux : retour sur un mécanisme d’éviction du juge administratif », LPA 12 juin 2015, n° 117, p. 4. (3) Art. 18, Loi du 5 juillet 2011 « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge », préc. de la santé publique. Dans un attendu de principe, la première chambre civile estime que si l’autorité administrative prenant la mesure d’hospitalisation forcée a le devoir d’informer le patient de ses droits et de sa situation juridique, le manquement à cette obligation est sans influence sur sa légalité. Avec cette solution, la Haute juridiction complique quelque peu l’appréciation de la légalité des mesures d’hospitalisations psychiatriques sans consentement tout en permettant un affaiblissement des droits des patients admis dans un tel cadre.