TRADUCTION LITTÉRAIRE COMME VECTEUR DE LA CIVILITÉ : LA RÉCEPTION DE DURAS À TAÏWAN VIA LA TRADUCTION DE HU PIN-CHING

Auteurs

  • HUANG Shih-Hsien
  • LIN LIN

DOI:

https://doi.org/10.54695/mochi.069.0114

Mots-clés:

Marguerite Duras, Hu Pin-Ching, la réception, la traduction littéraire, hégémonie du discours dominant.

Résumé

Durant les années 1970-1980, Duras commence à acquérir un lectorat populaire à Taïwan grâce à la traduction de Hu Pin-Ching (胡品清). La notoriété de Duras atteint son paroxysme avec la publication de L’Amant en 1984. À une époque où la littérature taïwanaise cherche à se débarrasser de la forme stérile dictée par l’autorité officielle, l’oeuvre de Duras coïncide avec la tentative de la littérature de Taïwan de se frayer un nouveau chemin en s’appropriant la littérature étrangère. L’écriture innovante, l’esprit rebelle et l’engagement social, qui font la singularité de l’oeuvre de Duras semblent la préparer à une réception inespérée, du monde entier comme à Taïwan. La traductrice Hu Pin-Ching a rempli à cet égard le rôle de médiateur dans la transmission de Duras à Taïwan. Parmi les auteurs français qu’elle a traduits, le choix de Duras frappe par sa différence radicale avec les romans français traditionnels. On s’interrogera pour savoir comment la traductrice, par-delà cette opposition entre l’innovation et le conservatisme, s’adonne au plaisir de traduire et parvient à restituer de Duras une conscience féminine qui lui est propre. Duras incarne en effet une nouvelle façon de sentir la littérature. Non seulement
elle a suscité un vif attrait auprès du grand public, mais encore elle exerce des influences sur la création romanesque de Taïwan. Toutefois, toute oeuvre traduite fait l’objet d’une métamorphose idéologique en fonction du contexte socio-culturel qui l’accueille. L’oeuvre de Duras, transférée à Taïwan, donne lieu à des interprétations exclusivement féministes, de même que l’auteure s’est érigée en figure emblématique du féminisme. L’oeuvre durassienne est présentée comme intimement liée à l’exotisme et l’érotisme, tant est si bienque l’aspect anti-colonial, pourtant à l’oeuvre dès les tout premiers romans de Duras, est sinon occulté, du moins relégué au second plan. On verra que, malgré la distorsion dans la réception – s’appuyer sur l’un des discours dominants au détriment des autres –, cette traduction littéraire peut servir de tremplin démocratique, dans la mesure où, en oscillant tour à tour entre telle ou telle lecture, elle résiste à l’hégémonie des opinions, et engendre une myriade de réécritures et d’intertextualités créatrices à Taïwan.

Publiée

2022-12-22

Comment citer

Shih-Hsien, H. ., & LIN , L. . (2022). TRADUCTION LITTÉRAIRE COMME VECTEUR DE LA CIVILITÉ : LA RÉCEPTION DE DURAS À TAÏWAN VIA LA TRADUCTION DE HU PIN-CHING. MONDE CHINOIS NOUVELLE ASIE, 69(69), 114. https://doi.org/10.54695/mochi.069.0114